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Non-axiomes.
Dans l’intérêt de la raison, DATEZ. Ne dites pas : « Les savants croient. » Dites : « Les savants croyaient en 1948… » ou « Jean Dupont (1948) est socialiste… » Toutes choses, y compris les opinions politiques de Jean Dupont, sont sujettes au changement, et l’on ne peut, par conséquent, les mentionner que si elles sont déterminées dans le temps.
Lentement, Gosseyn reprit conscience du cadre. Il tourna la tête vers la salle à manger où les domestiques s’activaient quelques instants auparavant. On ne les voyait plus. Il apercevait l’angle de la table qui paraissait servie bien que l’on ne vît pas de nourriture.
Son regard se dirigea vers Leej, se posa sur elle assez longtemps pour constater qu’elle se levait, puis revint vers la porte qui menait à la chambre de pilotage. De sa place, il distinguait toute la longueur du couloir, et même une partie de la coupole, mais pas de trace de Yanar.
Le vaisseau suivait immuablement sa course.
Leej rompit le silence.
— Vous y êtes arrivé ! murmura-t-elle.
Gosseyn s’éloigna du mur. D’un geste, il l’interrompit, mais il ne lui dit pas que le Disciple venait d’annuler la victoire en question. Leej, les yeux brillants, vint à lui.
— Vous ne vous rendez pas compte, dit-elle, que vous avez vaincu le Disciple ?
Elle lui caressa le bras de ses doigts agiles et tremblants.
— Venez ! lui dit Gosseyn.
Il se dirigea vers la salle de pilotage. Lorsqu’il entra, Yanar se penchait, attentif, sur le récepteur radiomagnétique. D’un coup d’œil, Gosseyn comprit ce qu’il faisait : il attendait de nouvelles instructions. Sans un mot, il s’avança et, par-dessus l’épaule de Yanar, rompit le contact.
L’autre sursauta, puis se raidit et se retourna, l’air mauvais. Gosseyn dit :
— Faites vos paquets si vous en avez. Vous descendez à la prochaine.
Le Prédicteur haussa les épaules. Sans un mot, il quitta la pièce.
Pensif, Gosseyn le regarda s’éloigner. La présence de l’homme l’ennuyait. C’était un ennui mineur, un tout petit embêtement, dont la seule importance à l’échelle galactique venait de sa qualité de Prédicteur. Ceci, malgré son caractère faible et entêté, le rendait intéressant.
Malheureusement, ce n’était qu’un homme entre deux millions, ni typique ni différent de ceux de son espèce. Gosseyn pouvait formuler certaines hypothèses prudentes concernant les Prédicteurs d’après ses observations de Leej et de Yanar. Mais de telles conclusions risquaient de se trouver subitement en défaut.
Il écarta l’idée de Yanar et se tourna vers Leej.
— Combien de temps pour arriver à Crest où se trouve le vaisseau de guerre ?
La jeune femme s’approcha d’un écran mural resté inaperçu de Gosseyn. Elle pressa un bouton.
Aussitôt, une carte s’éclaira d’un vif relief. On voyait l’eau, les îles et un minuscule point lumineux. Elle le désigna.
— C’est nous, dit-elle.
Elle montra une terre massive un peu plus haut.
— C’est Crest.
Soigneusement, elle compta de fines lignes graduées qui se croisaient sur la carte.
— Environ trois heures vingt, dit-elle. Nous aurons tout le temps de dîner.
— Dîner ! lui fit écho Gosseyn.
Puis il sourit et secoua la tête, un peu comme pour s’excuser lui-même. Il était terriblement affamé, mais avait presque oublié l’existence de ces instincts normaux.
Il allait être agréable de se détendre.
Le dîner.
Gosseyn regarda la jeune domestique lui remplir un verre à cocktail qui contenait des morceaux d’une matière semblable à du poisson. Il attendit que Yanar fût servi à son tour par une des femmes plus âgées et intervertit les deux verres par similarisation.
Il goûta le sien. C’était du poisson, fortement assaisonné. Après la première réaction, délicieux. Il mangea le tout, puis reposa sa fourchette et regarda Leej.
— Que se passe-t-il dans votre esprit lorsque vous prévoyez ?
La jeune femme répondit, sérieuse :
— C’est automatique.
— Vous voulez dire que vous ne suivez pas une méthode ?
— Eh bien…
— Faites-vous une pause ? Pensez-vous à un objet ? Êtes-vous obligée de le voir ?
Leej sourit, et même Yanar parut se détendre, presque s’amuser, un peu railleur. Elle dit :
— On voit, c’est tout. Ce n’est pas quelque chose à quoi on a besoin de penser.
Tel était donc le genre de réponses dont ils se satisfaisaient. Ils étaient différents. Ils étaient spéciaux. Réponse stupide pour gens stupides. En réalité, la complexité de la chose atteignait un degré sans précédent. Les processus de voyance se déroulaient sur un plan non verbal. Tout le système non-A visait de façon méthodique à coordonner les réalités non verbales et leurs projections verbales. Même sur Vénus Ā, le fossé entre l’interprétation et l’événement ne s’était jamais trouvé totalement comblé.
Il attendit ; on ôtait les verres vides et on les remplaça par une assiette contenant une viande brun rouge, trois sortes de légumes et une sauce claire tirant sur le vert. Il fit l’échange avec Yanar, goûta les légumes et se coupa une bouchée de viande. Puis il dit :
— Tâchez d’expliquer.
Elle ferma les yeux.
— Je me suis toujours représenté ça comme flotter dans le courant du temps. C’est une projection. Des souvenirs me viennent à l’esprit, mais ce ne sont pas de vrais souvenirs. Très clairs, très précis. Des images visuelles. Que voulez-vous savoir ? Demandez quelque chose qui n’ait pas de rapport avec vous. Vous, vous brouillez tout.
Gosseyn avait reposé sa fourchette. Il aurait aimé une prédiction concernant Vénus, mais il faudrait y mêler son avenir. Il dit :
— La jeune fille qui me sert ?
— Vorn ?
Leej secoua la tête et sourit à la fille qui se tenait droite, très pâle.
— C’est trop dur pour leurs nerfs. Je vous dirai son avenir plus tard, entre nous, si vous voulez.
La fille soupira.
— Le vaisseau de guerre galactique de Crest ? dit Gosseyn.
— Vous devez être lié à ça parce que c’est brouillé.
— Maintenant ?
Cela le surprit.
— Avant même que nous ne soyons arrivés ?
— Oui.
Elle hocha la tête.
— Ça ne répond pas à votre question, hein !
— Vous pourriez suivre quelqu’un jusqu’à un autre système solaire ?
— Ça dépend de la distance. Il y a une limite.
— Combien ?
— Je ne sais pas. Je n’ai pas assez d’expérience.
— Alors comment savez-vous les événements ?
— Le vaisseau recruteur galactique publie des communiqués.
— Des communiqués ?
Elle sourit.
— Ils ne sont pas entièrement sous les ordres du Disciple. Ils essaient de rendre ça excitant.
Gosseyn se rendit compte du procédé. Il fallait présenter le projet sous des couleurs fascinantes à l’intention d’esprits assez infantiles à de multiples égards. Et les agents de publicité étaient assez astucieux pour souligner les obstacles.
— Ces images mentales… dit-il. Pouvez-vous suivre les lignes d’avenir d’une personne que vous connaissiez ? Et qui ait pris du service ?
Elle soupira et secoua la tête.
— C’est trop loin. Une fois, le communiqué a parlé de dix-huit mille années-lumière.
Gosseyn se rappela Crang indiquant dans sa conversation avec Patricia Hardie (ou plutôt avec Reesha, la sœur d’Enro) que les bases galactiques de transport par distorseur ne pouvaient guère être à plus de mille années-lumière les unes des autres.
Théoriquement, le transport par similarité était instantané ; et théoriquement, la distance spatiale n’importait pas ; en pratique, il existait une marge d’erreur, les instruments étant imparfaits. Une similitude à vingt décimales, point critique où naissait l’interaction, n’était pas une similitude totale.
Apparemment, le don des Prédicteurs présentait des lacunes, même en dehors de la présence de Gilbert Gosseyn. Cependant, quelle que fût la distance à laquelle leur don s’exerçait, cela convenait fort bien à une bataille dans l’espace.
Gosseyn hésita, puis demanda :
— De combien de vaisseaux à la fois, environ, pourriez-vous suivre les mouvements ?
Leej parut surprise.
— Ça n’a pas d’importance. Tous ceux qui seraient en rapport avec l’événement, naturellement. C’est, il est vrai, une importante restriction.
— Restriction ! dit Gosseyn.
Il se leva et, sans un mot, se dirigea vers la salle de commande.
Il était resté indécis à propos des Prédicteurs. Et prêt à laisser le vaisseau galactique continuer à les recruter jusqu’à ce qu’il prenne une décision concernant la date de sa tentative d’assaut. Maintenant, il lui parut que ce serait peut-être dans longtemps. Un homme ne capture pas un transport de guerre sans préparation.
Il fallait exécuter une manœuvre préliminaire.
Au bout de la grande pièce, Gosseyn s’arrêta et se retourna.
— Leej ! appela-t-il. J’aurai besoin de vous.
Déjà, elle était debout et le rejoignit dans la coupole, une minute après.
— C’est un dîner court, dit-elle, anxieuse.
— On finira tout à l’heure, dit Gosseyn, attentif. Y a-t-il une longueur d’onde sur cette radio que l’on puisse utiliser pour émettre une communication générale ?
— Mais oui. Nous avons ce que nous appelons une bande d’urgence qui… (Elle s’arrêta.) Qui sert à coordonner nos mouvements en cas de menace.
— Réglez ça ! dit Gosseyn.
Elle le regarda, surprise, mais quelque chose dans son expression dut la décider à se taire. Un moment encore et Gosseyn parla. Comme avant – cela devenait automatique – il faisait faire l’aller et retour au câble, immédiatement avant chaque phrase. Il dit d’une voix sonore :
— Appel à tous les Prédicteurs. À partir de ce moment tout Prédicteur découvert ou capturé à bord d’un vaisseau de guerre du Plus Grand Empire sera exécuté. Leurs amis sont invités à transmettre le présent message à ceux qui se trouvent déjà à bord de tels vaisseaux. Vous pouvez juger de la valeur de l’avertissement présent au fait qu’aucun de vous n’a pu prévoir l’appel en question. Je répète : tout Prédicteur trouvé à bord des vaisseaux de Guerre d’Enro sera exécuté. Sans exception.
Il revint à la salle à manger, termina son repas et revint à la salle de contrôle. Deux heures et demie plus tard, de ce poste d’observation, il vit, au loin, les lumières d’une ville. Sur la demande de Yanar, le vaisseau descendit en vue d’un bâtiment que Leej appelait une gare aérienne. Dès qu’ils furent repartis, Gosseyn mit l’accélérateur au maximum et se glissa à la fenêtre d’où il examina la ville, plus bas. Que de gens ! Il vit les lumières entrelacées d’innombrables doigts d’eau. Parfois, l’océan pénétrait jusqu’au centre de la ville.
Tandis qu’il regardait, tout s’éteignit. Surpris, il ne vit plus que le noir. À côté de lui, Leej s’exclama :
— Je me demande pourquoi ils ont fait ça !
Gosseyn aurait pu répondre à la question, mais il ne le fit point. Le Disciple ne prenait pas de risques. Évidemment, il avait une théorie concernant les aptitudes de Gosseyn à contrôler l’énergie, et il veillait à ce qu’il ne s’en trouvât pas de disponible. Leej dit :
— Où allons-nous maintenant ?
Lorsqu’il le lui dit, elle perdit un peu ses couleurs.
— C’est un vaisseau de guerre, dit-elle, il y a des centaines de soldats à bord, et des armes qui peuvent vous tuer d’un tas de directions à la fois.
C’était assez exact. Le danger, en essayant de se servir de son pouvoir particulier pour prendre le vaisseau, c’est qu’il serait virtuellement impossible d’annuler ou de contrôler de grandes quantités d’armes manuelles. C’est en de telles circonstances qu’un accident fatal pouvait aisément se produire.
Mais les événements l’obligeaient à agir plus rapidement que prévu. En réalité, il avait déjà utilisé ses armes les plus fortes contre le Disciple. En conséquence, plus tôt il quitterait Yalerta, mieux cela vaudrait. Quelque part dans la galaxie, il trouverait une explication scientifique de l’invulnérabilité du Disciple, et en fait, jusqu’à la connaissance d’un moyen d’attaque rationnel, mieux valait se tenir à l’écart de l’individu.
En outre, le vaisseau de guerre galactique restait le seul moyen qu’il possédât de quitter cette planète isolée.
Les risques les plus grands restaient à courir.
*
Une demi-heure plus tard, il aperçut de la lumière. Tout d’abord le vaisseau galactique ne fut guère qu’une tache brillante dans l’ombre de la nuit, mais si clairs étaient ses feux qu’il fut bientôt nettement distinct. Gosseyn fit décrire à l’appareil de Leej une vaste orbite autour de l’autre et en étudia les abords au moyen d’une longue-vue magnétique.
Il avait environ deux cents mètres de long. Un petit vaisseau, selon les proportions galactiques. Mais il ne venait sur Yalerta que pour une raison déterminée. À bord se trouvait un appareil de transport par distorseur. Cette invention, probablement sans égale dans l’histoire de la science, permettait à l’homme de se déplacer dans les vastes espaces comme si ceux-ci n’existaient pas. Qu’un Prédicteur entrât dans la cage du distorseur à bord du vaisseau de guerre et il se trouverait transporté à cent ou mille années-lumière de là, presque instantanément.
Le vaisseau reposait sur une plaine. Pendant les quarante minutes que Gosseyn l’observa, deux aéroulottes sortirent de l’ombre. Ils n’arrivèrent pas en même temps, et atterrirent doucement près d’un point lumineux qui devait être l’ouverture d’un sas. Gosseyn supposa qu’il s’agissait de volontaires ; ce qui l’intéressa, c’est qu’en chaque occasion, l’aéroulotte repartit avant que l’on ne laissât monter le volontaire à bord du vaisseau galactique.
C’est ce genre de détails qu’il avait désiré découvrir.
Ils s’approchèrent vaillamment. À dix kilomètres, il put commencer à percevoir l’énergie du bord – et connut une grande désillusion. De l’électricité seulement, et en faible quantité. La pile propulsive était éteinte.
Gosseyn se sentit très ennuyé. Dans son inquiétude, il se mit à siffloter. Il s’aperçut que Leej l’observait.
— Mais vous êtes nerveux ! s’étonna-t-elle.
« Nerveux, pensa-t-il avec colère, incertain, indécis. » Parfaitement vrai. Dans l’état actuel des choses, il pouvait attendre en espérant améliorer sa position par rapport au vaisseau. Ou faire une tentative tout de suite.
— Ce pouvoir que vous avez, dit Leej, votre façon de faire ces choses, comment ça marche ?
Tiens ! elle finissait par se le demander. Gosseyn sourit, et hocha la tête.
— C’est un peu compliqué, dit-il, et sans vouloir vous vexer, un peu au-delà de vos connaissances scientifiques. Ça se passe de cette manière, à peu près : la zone étendue que nous nommons espace-temps est probablement une illusion des sens ; c’est-à-dire que toute réalité que cela peut avoir n’a guère de rapports avec ce que nous voyons, sentons ou touchons. De la même façon que vous paraissez mieux orientée, en tant que Prédictrice, dans le continuum réel espace-temps, avec l’accent sur le temps – je veux dire mieux orientée que l’individu normal – de même je suis mieux orienté avec, dans mon cas, l’accent sur l’espace.
Elle parut ne pas avoir entendu.
— Vous n’êtes pas vraiment tout-puissant, n’est-ce pas ? Quelles sont vos limites ?
— Ça ne vous ennuie pas, dit Gosseyn, que je réponde à cette question plus tard ? Je viens juste de me décider à quelque chose.
*
Leej dirigea le vaisseau aérien dans la nuit. Elle devenait de plus en plus pâle à mesure qu’elle écoutait les instructions.
— Je ne crois pas que vous ayez le droit, dit-elle, tremblante, de me demander de faire ça.
Gosseyn dit :
— Je voudrais vous poser une question.
— Oui ?
— Quand vous étiez dans la prison avec Jurig, que serait-il arrivé s’il m’avait tué ? Le Disciple vous aurait-il sauvé ?
— Non, je n’étais qu’un moyen de vous pousser à la limite de vos possibilités. Si ça ratait, ça ratait pour moi aussi.
— Alors ? demanda doucement Gosseyn.
Elle restait silencieuse, les lèvres closes. Le flux nerveux émané d’elle avait passé d’une irrégularité angoissée à une pulsation tendue, mais constante. Elle leva enfin les yeux.
— Bon, dit-elle. Je le ferai.
Gosseyn lui tapota le bras, en signe d’approbation muette. Il ne se fiait pas complètement à Leej. Il restait possible que ceci fût un piège. Mais la chose d’ombre avait déjà pu se rendre compte qu’emprisonner Gosseyn restait plus facile à dire qu’à faire.
Les yeux de Gosseyn s’étrécirent, décidés. Il ne pouvait pas s’arrêter. Il se sentait une immense confiance en ses aptitudes à ce point de vue aussi longtemps qu’il ne se laissait pas aller à une trop grande prudence devant l’obstacle.
Sa rêverie s’interrompit tandis que le faisceau d’un projecteur fouillait le dôme. Il y eut un déclic dans le récepteur et une voix masculine dit :
— Atterrissez dans la zone éclairée à cent mètres de l’entrée, s’il vous plaît.
Leej manœuvra le vaisseau sans mot dire. Lorsqu’ils furent immobilisés, la voix reprit :
— À combien venez-vous ?
Gosseyn leva un doigt, pour Leej, et lui dit de répondre.
— Un, dit-elle.
— Sexe ?
— Féminin.
— Parfait. Une femme sortira de votre vaisseau et se présentera au bureau d’admission, au pied de la passerelle. L’aéroulotte devra s’éloigner immédiatement à dix kilomètres. Dès son départ, la volontaire sera autorisée à monter à bord.
Ainsi, la distance était fixée à dix kilomètres. Il parut à Gosseyn que les deux volontaires observés précédemment avaient été admis à bord bien avant que leurs aéroulottes ne se fussent éloignés autant.
Il en alla de même pour Leej. Gosseyn, qui s’était similarisé dans la salle des commandes arrière, la vit s’arrêter devant le petit baraquement voisin du pied de la passerelle. Au bout d’une seconde à peine, elle s’engagea sur celle-ci.
Il regarda le compteur : un peu plus de deux kilomètres et demi.
Cela pouvait signifier deux choses. D’abord, qu’il s’agissait d’un piège et d’un appât. Ou alors, que les soldats de l’espace en avaient assez et ne respectaient plus guère le règlement.
Évidemment, il était possible qu’il s’agît d’une combinaison : un piège du Disciple, ignoré de l’équipage, ou un équipage averti qui ne prenait pas l’avertissement au sérieux.
Une par une, Gosseyn examina ces éventualités, et chaque fois aboutit au même résultat. Ça revenait au même. Il fallait essayer.
Tandis qu’il regardait, Leej disparut par le panneau. Il attendit patiemment. Il s’était fixé quatre minutes de délai après sa montée à bord. En un sens, il la laissait seule bien longtemps.
Il attendit. Il se sentait étrangement vide de regrets. Un moment, tandis qu’elle protestait, il se demandait s’il ne l’accablait pas trop. Inquiétude disparue. Il avait à ce moment-là estimé, il estimait encore que l’équipage se méfierait d’un homme, pas d’une femme. En conséquence, c’est elle qui devait prendre le risque de pénétrer la première.
Elle entrée, il entrerait. Il existait d’autres méthodes, mais telle était la plus rapide. Il avait divers projets concernant Leej, mais d’abord, qu’elle se pénétrât de la certitude que leurs destins se trouvaient liés.
Il regarda la montre de bord et frissonna. Les quatre minutes s’étaient écoulées.
Il hésita un moment encore, puis se similarisa contre le hublot ouvert près du panneau. Une seconde, il griffa l’air à la recherche d’une prise. Puis son bras s’accrocha à l’armature métallique du hublot.
Pensant que ce serait un bon endroit pour entrer, il l’avait photographié par la longue-vue tandis que l’aéroulotte reposait sur le sol.
Il fit un rétablissement dans l’ouverture cylindrique.